Mouton noir..

  • lepirelon

"Vous avez demandé la police. Patientez !..". En Paca et en Ile-de-France, principalement, la police ne répond plus. Dans de nombreux commissariats, on fait la sourde oreille aux appels. Une sorte de grève du zèle combinée à des arrêts de maladie de complaisance émanant de policiers qui veulent ainsi protester contre la mise en détention provisoire d'un de leur collègue marseillais mis en examen pour "violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours". Bouc émissaire ou mouton noir ?..

 

Pour comprendre, il faut remonter à l'origine des faits. Le 2 juillet, alors que les émeutes font rage un peu partout en France, en réaction à la mort de Nahel M. au cours d’un contrôle routier à Nanterre, la situation était particulièrement tendue dans le centre-ville de Marseille. Dans la nuit, un jeune homme de 22 ans, Hedi, qui sortait de son travail est touché par un tir de lanceur de balles de défense à la tempe. Il est ensuite roué de coups par un groupe de quatre ou cinq policiers qu’il identifie comme appartenant à la brigade anticriminalité. Voir son récit dans la vidéo ci-dessous . .

 

Suite à cette agression, mis dans le coma il a dû subir trois opérations chirurgicales sur son crâne déformé, occasionnant une perte de poids d’une dizaine de kilos, des migraines récurrentes, son œil gauche dont la vue demeure floue et le port d'un casque pour protéger sa tête en cas de chute.

 

Au bout de quarante-huit heures, quatre policiers placés en garde à vue sont sortis des locaux de l’IGPN sous les applaudissements de leurs collègues. Ils ont été mis en examen pour "violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours, aggravées par trois circonstances en ce qu’elles ont été commises en réunion, avec usage ou menace d’une arme et par personne dépositaire de l’autorité publique dans l’exercice de ses fonctions". Trois d’entre eux ont été placés sous contrôle judiciaire avec "interdiction d’exercer leur activité professionnelle de fonctionnaire de police". Le quatrième a été placé en détention préventive.

 

Deux des quatre fonctionnaires entendus par l’IGPN dans le cadre de leur mise en examen auraient reconnu des violences. Quant au policier placé en détention provisoire, il était le seul porteur de lanceur de balles de défense, d’après les images de vidéosurveillance. Identifié par son tee-shirt, il a déclaré ne se souvenir de rien, n’avoir rien vu et ne pas se reconnaître sur les images . .

 

Dans le même temps, des dizaines de fonctionnaires se sont regroupés devant le palais de justice de Marseille pour soutenir leur collègue et protester contre cette détention. Puis, confortés par leurs syndicats, de nombreux policiers ont décidés d'instituer le black-out dans leurs services. Invoquant le "code 562" : une sorte de service minimal, restreint aux missions d’urgences, aux dépens des patrouilles, auditions de victimes, de suspects ou de témoins. Sachant que les policiers n’ont pas le droit de grève, nombre de policiers marseillais se sont fait prescrire des arrêts de travail . .

 

Face à ces pratiques, le directeur général de la police nationale (DGPN), Frédéric Veaux a déclaré: "Je considère qu’avant un éventuel procès un policier n’a pas sa place en prison, même s’il a pu commettre des fautes ou des erreurs graves dans le cadre de son travail. Mais lorsqu’un policier est dans l’exercice de sa mission, on doit admettre qu’il peut commettre des erreurs d’appréciation. Le policier doit rendre compte de son action, y compris devant la justice, mais on doit aussi tenir compte des garanties dont il bénéficie et qui le distinguent des malfaiteurs ou des voyous". Approuvé par le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez: "Je partage les propos du DGPN" a t-il dit.

 

Ces propos ont fait réagir les magistrats, par la voix de la vice-présidente de leur Union syndicale: "Notre syndicat a toujours exprimé son soutien aux forces de l’ordre, qui travaillent dans des conditions extrêmement difficiles et violentes. Mais ne rien connaître au fond d’un dossier et s’exprimer sans réserve, alors que des voies de recours existent pour le policier comme pour n’importe quel autre citoyen, cela revient à saper les fondements mêmes de l’Etat de droit". L’opposition de gauche, elle, s’est offusquée que "toute la hiérarchie policière se place au-dessus de la justice" (Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste) et prévient que "ce qui se joue là, c’est la démocratie et le respect de l’Etat de droit" (Ugo Bernalicis, député du Nord, France insoumise) . .

 

Depuis Nouméa, Emmanuel Macron a déclaré: "Je ne vais pas commenter les propos du directeur général [M. Veaux] parce que je suis garant des institutions et de l’indépendance de l’autorité judiciaire. C’est une décision qui a été prise par un magistrat et donc je ne me prononcerai pas sur celle-ci. Dans notre pays, les policiers servent la bonne application de la loi, l’ordre républicain. L’Etat de droit suppose d’abord la présomption d’innocence pour tout le monde et le respect de la loi pour chacun". Ajoutant: "Il faut être absolument intraitable quand il y a des débordements, quand la déontologie n’est pas respectée. Nul en République n’est au-dessus de la loi". Capisce ?..

 

 Silencieux jusqu’alors malgré la colère des policiers, Gérald Darmanin a considéré Frédéric Veaux comme "un grand policier, un grand flic, je le soutiens totalement". Il a aussi défendu les fonctionnaires de police "insultés, vilipendés ; et se rajoutent à cette fatigue une émotion, une colère, et pour beaucoup d’entre eux une tristesse de ces procès d’intention, ces procès médiatiques. Je comprends cette émotion, je comprends cette colère, et je comprends cette tristesse". Recevant les syndicats, il a déclaré prendre trois propositions en considération, dont celle souhaitant un régime particulier de détention provisoire applicable aux fonctionnaires mis en cause. Un régime d’exception pour les policiers qui leur permettrait d’échapper partiellement au droit commun.    Corporatisme ou clientélisme ?..

 

Nul doute qu'il aurait tout intérêt à ménager la susceptibilité des pandores en vue de sa trajectoire élyséenne planifiée. Dans cette perspective, il vient de subir un échec en n'étant pas nommé vizir à la place de la vizirette, comme il l'espérait. Serait-il devenu le mouton noir du gouvernement ?.. MB

 

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16.08.23: Celui qui ne cache pas son ambition de succéder à Emmanuel Macron vient de recevoir l'onction de Nicolas Sarkozy. Dans le nouveau tome de ses mémoires (d'outre tombe ?..) l'ex président déchu en 2012 ne mégote pas ses louanges à l'égard de son successeur Place Beauvau:

"Il est l’un des quadragénaires les plus prometteurs. Jusqu’à présent, les faits lui ont largement donné raison. Saura t-il franchir une autre étape, voire l’étape ultime, celle qui mène à la présidence de la République ? Je le lui souhaite, car il a des qualités évidentes". Le baiser du lépreux ?..

 

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Cinq policiers du Raid en garde à vue après un décès  09.08.23

 

 

Nouveaux soupçons de violences policières à Marseille : cinq fonctionnaires du Raid, une unité d’élite, ont été placés hier en garde à vue dans l’enquête sur le décès d’un homme de 27 ans.

 

Dans la nuit du 1er au 2 juillet, Mohamed Bendriss, 27 ans, livreur, a perdu la vie alors qu’il circulait à scooter dans Marseille en proie à des dégradations. C’est lors de l’autopsie du corps de cet homme marié, père d’un enfant et dont la veuve en attend un deuxième, qu’avait été repérée sur sa poitrine la trace de ce qui pourrait être l’impact d’un tir de LBD.

 

Le 4 juillet, une information judiciaire était ouverte pour « coups mortels avec arme » sur Mohamed Bendriss et confiée à la police judiciaire et à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN).

Fin juillet, le parquet estimait « probable » que le décès de Mohamed Bendriss ait été « causé par un choc violent au niveau du thorax causé par le tir d’un projectile de type Flash-Ball » (autre nom du lanceur de balles de défense, ou LBD). Trois des cinq policiers placés en garde à vue ont été mis en examen pour « violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

 

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ÉDITORIAL  Darmanin, l’homme pressé  Jefferson Desport

 

 

Un déplacement à Libourne où il a annoncé l’installation de 565 militaires, un autre à Périgueux pour saluer une nouvelle promotion d’élèves gardiens de la paix, les prochains jours en Polynésie… En ce mois d’août, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, fait feu de tout bois. Mais surtout, il prépare sa rentrée. Et celle-ci devrait lui permettre d’oublier le revers que vient de lui infliger le Conseil d’État en suspendant la dissolution des Soulèvements de la Terre. Le 27 août, à Tourcoing, dans son fief des Hauts-de-France, il réunira ses proches, des ministres et des parlementaires pour une journée autour des préoccupations de « la France populaire », celle qui gagne « moins de 2 500 euros par mois ».

 

Ce sujet dépassant de loin ses fonctions de premier policier de France, le message est limpide : s’il a échoué à obtenir Matignon en juillet, il n’entend pas se laisser enfermer à Beauvau et encore moins jouer les cellules dormantes. Ses ambitions sont intactes. Et celles-ci convergent toutes vers la même échéance : la présidentielle de 2027. Tout sauf une surprise. Mais alors qu’il reste encore quatre ans à Emmanuel Macron, Gérald Darmanin se prépare déjà, se présidentialise déjà. À cet égard, pour l’ex-LR, ce rendez-vous de Tourcoing doit amorcer un tournant.

 

 

En investissant ainsi la question sociale, en s’écartant donc des marqueurs traditionnels de la droite – la sécurité, l’immigration, les fonctionnaires… –, il tente d’élargir son assise. Pour s’imposer, il lui faut rassembler. Mais au-delà, ce sujet est aussi une réponse au risque Le Pen. Comme il l’a confié au « Figaro », elle reste, à ses yeux, le principal danger pour 2027. Et une redoutable concurrente chez les classes moyennes. La dernière présidentielle l’a montré : les ouvriers et les employés ont majoritairement voté pour elle, tout comme la France des fins de mois difficiles.

 

Face à cela, Gérald Darmanin pointe du doigt le poids « des techniciens » dans la vie politique. Marine Le Pen applaudira, même s’il y a longtemps qu’elle ne se cantonne plus à ses fétiches que sont la technocratie, l’immigration et l’insécurité. Elle laboure bien d’autres champs fertiles en exaspération : à commencer par celui du pouvoir d’achat. Des autoroutes à la hausse des prix de l’électricité : c’est un boulevard. Il faudra donc plus que du « cœur » à Gérald Darmanin pour renouer avec les classes populaires. Certes, la route est encore longue, mais qu’il s’inquiète pour elles n’est pas anodin : il confirme qu’en dépit du « quoi qu’il en coûte » et des baisses d’impôts, cette France reste un angle mort du macronisme. Pas le plus petit des aveux pour cet homme pressé. Pas le plus petit désaveu pour Élisabeth Borne.

 

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Billet
La police française en danger, par Serge July

 

 Autrefois «gardiens de la paix», les agents, qui manquent de formation, ne parviennent plus à exercer leur rôle de police républicaine indispensable à la vie en société. Le triste record de l’Hexagone en matière d’incidents et de violences policières manifeste l’urgence de remettre de l’ordre démocratique dans l’institution.

 

Dans la nuit du 1er au 2 juillet, à Marseille, près du Vieux-Port, un jeune homme de 22 ans est massacré. Il s’appelle Hedi, prénom arabe, et semble être tout à fait étranger aux émeutes. Il reçoit un tir de LBD en plein visage, à courte distance, qui va le défigurer. Hedi tombe à terre. Quatre policiers de la BAC l’auraient traîné derrière un immeuble et se seraient acharnés sur lui, l’auraient roué de coup et laissé pour mort sans assistance.

Une plainte est déposée, l’IGPN saisie, les policiers sont identifiés mais nient. Le juge décide de mettre les quatre policiers en examen et le porteur de LBD en détention provisoire. `

Avant toute chose, le massacre de ce jeune homme est une ignominie. Le ministre de l’Intérieur, ses directeurs, son cabinet, mais aussi les syndicats devraient commencer toutes leurs interventions sur la crise actuelle par des mots sinon d’excuses, du moins d’une humanité partagée. Pour l’instant, on n’ a pas du tout l’impression qu’elle soit partagée.

 

Cette mise en détention provisoire scandalise les policiers. Ils seraient moins de 5% des effectifs à se mettre en arrêt maladie pour protester. Le directeur général de la police nationale a pris position contre la mise en détention provisoire de tout policier, quelles que soient ses fautes. Les syndicats sont ainsi encouragés à reprendre cette vieille revendication sécuritaire, qui fut à la fois celle de la droite et de l’extrême droite, de Valérie Pécresse à Marine Le Pen, en faveur d’un régime d’exception pour les policiers qui leur permettrait d’échapper partiellement au droit commun.

Question fondamentale : en démocratie – on ne parle pas des dictatures – «la police n’est pas au-dessus des lois», ce n’est pas un Etat dans l’Etat, sinon elle échapperait à tout contrôle de l’exécutif et du Parlement. On imagine Clemenceau confronté à cette situation : le directeur de la police nationale aurait été viré immédiatement car, sur le fond, il n’y a pas moyen de donner satisfaction aux frondeurs de la police sans modifier en profondeur l’Etat de droit, sans autonomiser la police vis-à-vis de la justice. Sans remonter si loin, François Mitterrand, en 1983, alors que la police manifestait contre le garde des Sceaux, avait viré le directeur de la police. Un poste, si j’ose dire, dont l’existence sert entre autres à débloquer des crises comme celle-ci. Une remarque qui doit être soulignée : tous les hiérarques qui soutiennent le directeur de la police partagent l’idée que la police n’est pas au-dessus des lois.

Il y a quand même beaucoup de réformes à faire dans la police française, dont certaines sont faites ailleurs, aux Etats-Unis et en Europe. D’abord en matière de formation. Il suffit d’avoir le bac pour devenir policier. Cela devrait être un métier hyperqualifié, parce qu’il y va de notre sécurité. Les policiers sont formés trop rapidement. On remarquera que les gendarmes, qui sont des militaires, deviennent tous des sous-officiers après le bac et une année de formation en école. Le constat est simple : il y a moins de bavures dans le maintien de l’ordre avec les gendarmes qu’avec les policiers. Même chose en ce qui concerne les entraînements au tir, très insuffisants dans la police.

Je rappelle que la définition française du policier, c’était autrefois «gardien de la paix», très belle formule qui date d’un temps où les policiers apprenaient à pacifier : ils étaient gardiens de la paix, pas gardiens de la guerre en banlieue ou ailleurs. Dans le même ordre d’idées, il faudrait retrouver le chemin d’une police de proximité, indispensable dans une entreprise de pacification, malgré les syndicats de policiers, malgré la droite, malgré Nicolas Sarkozy.

Emmanuel Macron et Gérald Darmanin sont confrontés par ailleurs à un énorme problème. En Europe occidentale, le mouton noir en matière d’incidents et de violences policières, c’est la France. Le record des tués lors de la gestion des refus d’obtempérer, c’est encore la France. On est passé en 2020 à 32 tués, au lieu de 15 en 2018. Une augmentation qui semble confirmer le manque de préparation des policiers à l’usage des armes à feu.

La France est rappelée à l’ordre par de nombreuses institutions et notamment par les Nations unies : «Il faudrait s’attaquer sérieusement aux problèmes de racisme et de discrimination raciale parmi les forces de l’ordre.» La phrase est signée du Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme.

Toute l’Europe mais aussi les Etats-Unis réfléchissent à la pertinence des contrôles policiers, et à leur caractère contre-productif. Ils sont supprimés à New York, où on est passé de 700 000 contrôles par an à 50 000, et où la criminalité n’a pas explosé. Même chose dans plusieurs grandes villes américaines. Plusieurs pays, Royaume-Uni, Belgique, Pays-Bas, Espagne, distribuent des récépissés après chaque contrôle, qui permettent d’identifier les agents et de combattre le profilage ethnique. La question avait été programmée en France en 2012 après l’élection de François Hollande, mais combattue et abandonnée. Le politologue Patrick Weill et le sociologue de la police Sebastian Roché viennent de rappeler, malheureusement dans une indifférence générale, que les contrôles d’identité sont contre-productifs et ciblent principalement des personnes d’origine étrangère.

Le métier de policier est un métier très difficile. Il faut plus de formation, plus de formation et encore plus de formation. Il faut des ministres de l’Intérieur et des hauts fonctionnaires qui ouvrent des perspectives, pas qui les ferment, ce qui est le cas de l’actuel occupant de la place Beauvau, qui gère au plus près sa destinée politique. Si le ministre n’a pas d’imagination, il sera débordé par des activistes. C’est le cas actuellement. Une police républicaine est indispensable à la vie en société. Elle est aujourd’hui en danger. Il est de la responsabilité du chef de l’Etat de remettre de l’ordre démocratique dans le fonctionnement de la police.

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                                                       Dessin de Sanaga pour Sud-Ouest

                                                           Dessin de Bruno Mandy pour Sud-Ouest

                                                                        Dessin d'Aurel pour Le Monde

 

                                                                      Dessins d'Urbs pour Sud-Ouest

 

 

 

 

                                                             Dessin de Biche pour Charlie Hebdo

 

 

 

 

 

 

                                     "Tu vas voir, moi je vais t'en coller une de bavure !.."

 

 

 

 

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