Douce France..

  • lepirelon

Et voilà: ça continue ! Après les immondes graffiti antisémites souillant la devanture d'un restaurant ou l'effigie de Simone Veil. Après des injures racistes, sexistes ou homophobes contre des automobilistes pris à partie à des ronds-points. Après les tombereaux d'injures et de menaces de mort adressées à des élus et leurs familles. Après la profanation d'un sanctuaire de la République. C'est au tour du philosophe Alain Finkielkraut d'avoir subi, au coin d'une rue, un torrent de boue verbale de la part de manifestants affublés de gilets jaunes.

 

Ceux-ci l'ont agressé et menacé aux cris de: "Barre toi, sale sioniste de merde !" ou "grosse merde de sioniste !", lui enjoignant de "rentrer à Tel-Aviv". Complétant leurs hurlements par l'apostrophe: "Nous sommes le peuple !" et " La France elle est à nous !". Salve d'aphorismes révélateurs mais très contestables. L'académicien n'a dû son salut qu'à l'intervention de policiers qui l'ont protégé. Mettant ainsi fin à un incident qui aurait pu très mal tourner vu le degré d'exaspération ambiante.

 

Interrogé, plus tard, sur ce déferlement d'agressivité, le philosophe a dit avoir ressenti "une haine absolue". Expliquant: "Ils visaient avant tout mes liens et mes positions sur Israël. Il y a chez eux un sentiment d'hostilité très fort à l'égard des juifs et je paie ma notoriété". Il a ajouté: "Les différents leaders de cette révolte protéiforme ont été accueillis à bras ouverts sur les plateaux de télévision. Ils sont devenus les stars du petit écran. Cette promotion leur est montée à la tête et l’arrogance a changé de camp". Ce que chacun a pu vérifier face aux ambigüités d'Eric Drouet ou Maxime Nicolle qui n'ont jamais condamné de tels agissements publics et ont souvent versé dans le complotisme. S'en tenant à la dénonciation des violences policières et ignorant les exactions des manifestants.

 

Suite à ces débordements ignobles, Le parquet de Paris a ouvert une enquête, dimanche 17 février, pour "injure publique en raison de l’origine, l’ethnie, la nation, la race ou la religion". La scène ayant été filmée, on devrait pouvoir rapidement retrouver les fauteurs de troubles ayant proféré de tels propos haineux tombant sous le coup de la loi et passibles de condamnations juridiques sévères.  Faut-il encore rappeler que le racisme et l'antisémitisme sont des délits punissables ?..

 

Ces faits révèlent le pourrissement par la racine du mouvement des "gilets jaunes" qui se tarit et, au fil du temps, ne laisse plus apparaître que la lie au fond du tonneau. Ceux pour qui les revendications sociales ne sont qu'un prétexte pour assouvir leur désir d'éructer leur haine ou de se battre contre un pouvoir politique honni. Justifiant leur violence par des amalgames et des syllogismes conspirationnistes. En faisant fi des règles démocratiques et civilisationnelles de notre collectivité.

 

Eternel dilemme des démocraties: quelles libertés pour les ennemis de la Liberté ?..  MB

 

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PS: On peut ne pas approuver certains points de vue d'Alain Finkielkraut mais, pour autant, ne pas les combattre par l'invective, la diatribe ou l'injure mais par le débat d'idées, la confrontation des arguments et un raisonnement étayé d'informations vérifiées et fiables. Mais c'est peut-être trop en demander à certains qui voudraient nous ramener à l'âge des cavernes et à "la guerre du feu".

 

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PS 2: Sauf exception, la classe politique a dénoncé unanimement l'odieuse agression contre Alain Finkielkraut et les dérives antisémites précédentes. Certains avec des nuances reflétant leurs parti-pris idéologiques. Ainsi Marine Le Pen dénonce t-elle "l'idéologie islamiste"..  Quant à Jean-Luc Mélenchon, il écrit: "Conscient de l'instrumentalisation de l'antisémitisme, je crois aussi qu'il ne faut jamais laisser passer le racisme." Ce qui laisse planer un doute sur l'origine de l'incident. Parmi ses soutiens, certains vont plus loin et laissent entendre que le philosophe, par ses prises de position, récolterait ce qu'il a semé. Certains autres vont jusqu'à nier la teneur des injures racistes proférées à l'encontre de l'académicien. En revanche, on aura noté la réaction sans restrictions de Clémentine Autain qui se démarque de plus en plus des prises de position du gourou des Z'insoumis.      Sans barguigner, sans atermoiements et sans "pudeurs de gazelle" pour exprimer son indignation. 

 

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PS 3: Conscient de l'ambigüité de sa première réaction, le Lider Maximo des Z'insoumis a convoqué la presse pour rectifier le tir et condamner fermement l'agression antisémite subie par l'écrivain Alain Finkielkraut en précisant: "Quelles que soient ses opinions détestables.." En les caractérisant ainsi n'est-ce pas une façon d'accorder une sorte de blanc-seing aux injures "anti-sionistes" ?..

 

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"A la faveur des manifestations du samedi, la haine antijuive se répand"

 

Pour l’historien et chercheur à l’EHESS Vincent Duclert, spécialiste des études sur la démocratie et sur les génocides, le mouvement des "gilets jaunes" a renforcé un antisémitisme déjà très présent.

 

Des portraits de Simone Veil couverts de croix gammées, un arbre planté en mémoire d'Ilan Halimi vandalisé.  Lundi 11 février, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a annoncé que les actes antisémites avaient bondi de 74% en France en 2018. Quelles peuvent être les raisons d'une telle explosion ? Nous avons posé la question à Vincent Duclert, chercheur à l'EHESS et historien, spécialiste des études sur la démocratie et sur les génocides.

 

Le 13 février 2006, le corps agonisant d'Ilan Halimi était découvert sur un talus à Sainte-Geneviève-des-Bois dans l'Essonne. Quinze ans après sa mort, les arbres plantés en mémoire de ce drame ont été sciés. Et l'an passé les actes antisémites ont bondi : 541 dénombrés contre 311 en 2018, soit une hausse de 74%. Qu'est-ce qui explique selon vous une telle recrudescence ? 

 

Elle s'explique par plusieurs facteurs, connectés entre eux : le recul des partis de gauche comme de droite laissant l'extrême droite en position de force pour incarner l'opposition face à la nouvelle donne macronienne ; le climat de revanche populiste en Europe ; la crainte d'un déferlement des réfugiés et la tentation d'une fermeture des frontières avec un repli sur l'identité nationale. Enfin, la persistance de formes nombreuses d'idéologies ou de préjugés antisémites, se nourrissant de la tolérance élevée en France pour ce qui est tenu parfois comme une forme de culture aussi bien populaire qu'élitaire, sans danger, un trait de civilisation porté par tant de grands écrivains français, de Pierre Loti à Céline…

 

Et puis sont arrivées les démonstrations de rue des "gilets jaunes". L'antisémitisme s'est encore renforcé en lien avec les caractéristiques du mouvement. Celui-ci n'est pas antisémite, mais les antisémites le pénètrent et profitent de sa violence pour banaliser l'antisémitisme.

 

La hausse des actes antisémites ne date pas des "gilets jaunes" : sur les neuf premiers mois de l'année 2018, soit avant le début de ce mouvement, ils étaient déjà en hausse de 69%... Quel lien faites-vous entre ce mouvement et la montée de l'antisémitisme ? 

 

Les actes antisémites commis dans le sillage des "gilets jaunes" sont apparus dès le début du mouvement. J'ai été l'un des rares à m'en inquiéter dans une tribune publiée dans "le Monde" le 24 décembre après l'acte 6 du 22 décembre. Ces faits existent, se répètent à chaque "acte" des "gilets jaunes".

 

Loin de fléchir, ils augmentent au contraire, en visibilité et en fréquence. Ainsi du "chant de la quenelle" repris en chœur dans de nombreux cortèges par des manifestants qui sont loin d'appartenir, à ma connaissance, à la clientèle habituelle de Dieudonné qui en est l'auteur. Ils appartiendraient davantage à l'extrême droite identitaire. La question est bien sûr celle du degré d'adhésion des "gilets jaunes" à l'antisémitisme. On peut faire crédit, par exemple à une "coordination nationale des gilets jaunes" qui, dès le 25 ou le 26 décembre, a publié sur les réseaux sociaux une condamnation "de tous les actes de racisme, d'antisémitisme et de xénophobie". Cependant, on ne peut nier non plus qu'à la faveur des manifestations hebdomadaires du samedi, la haine antijuive s'exprime et se répand.

 

Elle ne vient pas forcément des "gilets jaunes", comme ce tag "Juden" sur la vitrine d'une enseigne de l'île Saint-Louis. Rien n'indique que cela vient de manifestants…

 

Ce à quoi nous assistons à mon avis, c'est à un risque de convergence des luttes antisémites à la faveur de ces manifestations sans organisation ni leadership, avec une multitude de slogans et un déploiement parfois agressif sur les espaces publics.

 

En marge du mouvement mais porté par lui aussi, l'antisémitisme s'est renforcé à travers les circulations qui ont été permises entre ses différentes formes existantes. Si tout les oppose dans leurs racines, identitaires, racialistes, antisionistes, traditionalistes, nationalistes, islamistes, complotistes, négationnistes, etc., une chose les unit : la haine du juif fantasmé, obsessionnel. Et au-delà se révèle la même volonté d'ethniciser la société, de briser les ressorts d'universalité qui la fondent et assurent son existence démocratique.

 

Elle est hautement inquiétante et elle aboutit à redonner en France (et en Europe) du crédit à cet antisémitisme qui a travaillé des décennies nos sociétés passées, jusqu'à ce qu'advienne la "solution finale de la question juive"... Le climat de violence actuel favorise aussi cet antisémitisme : la rupture de la paix civile, les voies de fait dans l'espace public, les menaces et intimidations contre les journalistes alors même que le mouvement a été surexposé dans les médias constituent autant de facteurs d'accélération. L'antisémitisme est une transgression de la vie sociale et de la démocratie républicaine, et de ce fait il demeure contenu jusqu'au moment où d'autres transgressions le prennent en charge : c'est le cas de l'expression collective de la violence qui ouvre les vannes de l'antisémitisme– ce dernier réalimentant d'autant la violence.

 

Parleriez-vous d'un réveil de l'antisémitisme comparable à d'autres périodes historiques ? 

 

Nous retrouvons aujourd'hui dans ces actes et ces paroles une haine affirmée, revendiquée, une volonté de déshumaniser celui que l'on qualifie de "juif", sur lequel se concentrent beaucoup de fantasmes et d'accusations caractéristiques de la haine antisémite, dont les accusations rituelles autour de l'argent, de la sexualité, de l'antipatriotisme, de la trahison nationale, du cosmopolitisme...

 

Nous historiens connaissons l'épaisseur historique de ce langage totalitaire ancré dans une internationale de la haine antijuive depuis la publication des "protocoles des sages de Sion", un faux grossier forgé en 1901 par un agent de la police politique du tsar à Paris décrivant un plan secret des juifs pour asservir le monde chrétien.

 

Nous avons vu très clairement dans les inscriptions antisémites sur les murs de la capitale ou sur les banderoles déployées au-dessus des autoroutes, sur des ronds-points, les mêmes mots, les mêmes slogans obsessionnels et éminemment dangereux qu'autrefois. Il faut les dénoncer. Devant ces scènes gravissimes, la réprobation unanime de l'opinion publique comme des formations parlementaires aurait dû être immédiate et sans réserve. Cela n'a pas été le cas, certaines choisissant même d'exploiter les difficultés du président de la République sans réaliser qu'en réalité c'était la République qu'ils détruisaient.

 

En 1898, Jean Jaurès était un adversaire politique du Premier ministre Waldeck-Rousseau décidant de s'opposer à la violence antidreyfusarde (nourrissant l'antisémitisme). Pour autant, il estima que le socialisme français devait s'engager résolument dans la défense de la démocratie républicaine. Il se plaça aux côtés de Waldeck-Rousseau. Ce fut son honneur, cela reste une leçon pour aujourd'hui et pour demain. 

 

Propos recueilli par Maël Thierry

 

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